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Van Gogh, Nerval, Nietzsche... saviez-vous que ces génies étaient aussi un peu zinzins ? Si vous veniez à vous inquiéter pour votre santé mentale, parcourez ces quelques lettres absolument délirantes pour vous rassurer. Écrites lors de crises, depuis un hôpital psychiatrique ou l’Himalaya ou bien encore juste après s’être coupé l’oreille (tiens tiens, mais qui est-ce ?) découvrez l’esprit complètement barge des plus grands artistes et écrivains.
- Lettre d’Antonin Artaud à Madame Jean Dubuffet : "Je suis allé au Mexique faire cesser au sommet de la montagne à plus de cinq mille mètres certaines manœuvres christiques de magie blanche"
Magie noire, envoûtements, sosies : découvrez ce qu’il se passe dans l’esprit complètement givré d’Antonin Artaud, qui gagne haut la main ce top ! On se croirait presque sous trip !"Chère Madame et grande amie,
Je voulais spécialement vous remercier de la si affectueuse attention que vous avez eue de m’envoyer du beurre, des sardines et du café vert, c’est-à-dire d’avoir compris que c’était l’absence de matières grasses et mon état de sous-alimentation qui occasionnait l’état de désarroi où se trouvent à de certaines heures du jour les consciences de tous mes amis qui sont toutes emportées par un vent de déroute soufflé des manœuvres d’envoûtement obscène des moines de l’Himalaya, et des populations de Birmanie, du Bengale, du Turkestan et de l’Afghanistan. A ces manœuvres dissociatrices haineuses le peuple de Paris et d’autres villes de France de même par instants aussi à de certaines heures sous la protection de la police, comme je vous l’ai dit. – Cet état de choses abominable doit cesser car si, comme vous le savez, j’ai la haine de Jésus-Christ, j’ai celle aussi de antichrist qui ne fut jamais que son séide et lui-même son envoûté. Je suis allé au Mexique faire cesser au sommet de la montagne à plus de cinq mille mètres certaines manœuvres christiques de magie blanche de par lesquelles toute magie noire fut toujours fomentée et directement et par esprit de contradiction et aussi par un autre esprit qui n’a jamais supporté le blanc. J’irai donc, et je veux y aller tout de suite, au Tibet achever cet épouvantable travail. Mais pour cela il me faut une canne que j’ai préparée expressément dans ce sens et dont le prototype manqué est cette canne de saint Patrick avec laquelle j’ai fait mon voyage en Irlande et qui est maintenant aux mains de cette soi-disant Anie Besnard, 45 quai Bourbon, laquelle n’est plus qu’une sosie puisque la véritable Anie Besnard a été assassinée après le 14 octobre 1944, date à laquelle elle avait pris le train Gare d’Orléans à Paris pour venir me retrouver ici. […]
Je vous rappelle pour finir que j’ai de l’or à la Banque de France et que voilà huit ans qu’on me l’avait fait oublier par envoûtement afin de me faire croire que j’étais sans un sou et de m’obliger à vivre d’aumônes de la part de ceux qui m’aiment, alors que c’est à ceux qui me haient [sic] que ceux qui m’aiment doivent arracher l’or qu’ils m’ont volé. – J’ai fait en 1918 un dépôt d’une somme importante à la Banque de France de Marseille, cette somme a été transférée à Paris quand j’y suis allé en 1920, et une masse de barres d’or correspondant à cette somme a été entreposée dans les caves de la Banque, rue de La Vrillière. J’en ai tiré à diverses reprises plusieurs chèques dont plusieurs m’ont été soutirés par envoûtement, j’en ai très peu donné de bon cœur et de bonne volonté. Mais j’ai donné en juillet ou août 1937 un chèque de dix millions à mon amie Anie Besnard qui n’était pas d’ailleurs même pas ma maîtresse pour l’aider à vivre quand elle était sans moyens d’existence et avait fait à un moment donné quelque chose comme le trottoir pour arriver à gagner sa vie. […]"
Antonin Artaud (Suppôts et Suppliciations, NRF, Gallimard)
- Lettre de Nijinski à Diaghilev : "Je suis Dieu dans ma bite."
On a quand même hésité à lui donner la première place… Voici Nijinski, danseur et chorégraphe russe, perdu dans un délire très très drôle."Je suis une bite, mais pas à toi.
Tu es à moi, mais je ne suis pas à toi.
La bite est à moi, car Bite.
Je suis une Bite, je suis une Bite.
Je Dieu dans ma bite.
Je suis Dieu dans ma bite. Ta bite n’est pas à moi,
pas à moi.
Je suis bite dans Sa bite.
Je bite, je bite, je bite. Tu es bite, mais pas Bite.
Je veux t’écrire beaucoup, mais je ne veux pas travailler avec toi, car tes buts sont autres. Je sais que tu sais faire semblant. Je n’aime pas les faux-semblants. J’aime les faux-semblants, quand l’homme veut du bien. Tu es un homme méchant. Tu n’es pas un tsar. Et moi je suis un tsar. Tu n’es pas mon tsar, et moi je suis ton tsar. Tu me veux du mal. Je ne te veux pas de mal. Tu es méchant, et moi je te berce. Dodo, dodo, dodo, dodo. Dors paisiblement, dodo, dodo. Dodo. Dodo. Dodo
Vaslav Nijinski" (Nijinski, Journal, Gallimard, 1953)
- Lettre de Camille Claudel au Docteur Truelle : "Le sieur Rodin et toute sa bande vont faire une fortune immense à mes dépens et en même temps me couvrir de calomnies et d'insultes."
La place numéro 2 est accordée sans hésitation à Camille Claudel et ses délires incessants de persécution. Une lettre qui fout des frissons dans le dos, écrite depuis l’asile psychiatrique dans lequel elle restera enfermée jusqu’à sa mort…"Monsieur le Docteur,
Je vous prie de conserver cette lettre pour vous seul car je vous l'écris uniquement pour vous mettre au courant de choses que vous n'avez pas deviné jusqu'à présent. Vous ne savez pas ce que me coûte mon internement ici, aussi vous ne pouvez vous faire une idée de ma colère et de mon désespoir.
Je vais vous raconter ce que contenait mon atelier sur lequel R.* et ses amis ont mis la main. Mon atelier contenait grosso-modo : [...] 1560000 f.Pendant que je suis ici, clouée, immobilisée, on a mis la main sur tout. Le sieur Rodin et toute sa bande vont faire une fortune immense à mes dépens et en même temps me couvrir de calomnies et d'insultes.
Ils n'ont qu'une peur maintenant c'est que je ne réclame et pour m'en empêcher ils vont me faire tenir éternellement enfermée ou même me faire tuer.
Il n'y a pas que Rodin qui a pris mon atelier ; il y en a d'autres aussi car il s'est arrangé pour se faire des complices pour les mettre dans ses intérêts. Il y en a d'autres aussi !!!!!
Je vous les nommerai bien si je voulais !! Si je ne suis pas sortie d'ici quelques temps, je vous les nommerai !
Ceux qui m'ont pris mon atelier ! Ceux qui me tiennent bouclée ici !!!Je vous les nommerai ! Je vous prie de faire votre possible pour faire venir quelqu'un de ma famille, je m'ennuie trop ici. On a même supprimé les promenades au parc depuis 3 mois. Je vous écrirai encore une autre lettre pour achever mes explications, mais n'en parlez à personne du tout je vous en prie.
Agréez mes civilités."
*R pour Rodin.
C. Claudel (Correspondance, Ed. Gallimard, 2008)
- Dernière lettre de Nietzsche à Jacob Burckhardt : "Finalement, j’aimerais bien mieux être professeur à Bâle que Dieu"
Saviez-vous que Nietzsche était devenu complètement fou après avoir donné une accolade à un cheval en plein Turin ? Ne souriez pas, il ne recouvrera jamais la raison ! Écrite depuis son asile psychiatrique, le génie qui a sombré se prend tour à tour pour Dieu et le père d’une prostituée assassinée. Accrochez-vous, faut suivre !"Cher Monsieur le Professeur,
Finalement, j’aimerais bien mieux être professeur à Bâle que Dieu ; mais je n’ai pas osé pousser si loin mon égoïsme privé que, pour lui, je renonce à la création du monde. Voyez-vous, on doit faire des sacrifices quels que soient la manière et le lieu où l’on vive. – Pourtant, je me suis réservé une petite chambre d’étudiant, qui fait face au Palazzo Carignano ( - dans laquel je suis né en tant que Vittorio Emanuele), et qui, de surcroît, me permet d’entendre la superbe musique en dessous de moi, dans la Galleria Subalpina, de ma table de travail. Je paye 25 frs., service compris, je m’occupe de moi-même de mon thé et de tous les achats, souffre de mes bottes déchirées, et remercie à chaque instant le ciel pour ce vieux monde, pour lequel les hommes n’ont pas été assez simples et silencieux. – Comme je suis condamné à distraire la prochaine éternité par des mauvaises plaisanteries, et bien j’ai ici une paperasse, qui ne laisse vraiment rien à désirer, très jolie et pas du tout rébarbative. La poste est à cinq pas d’ici, c’est là que je dépose moi-même les lettres, pour donner dans le feuilletoniste du grande monde. Je suis naturellement en relations étroites avec Le Figaro, et afin que vous puissiez entrevoir à quel point je peux être innocent, écoutez donc mes deux premières mauvaises plaisanteries :
[...] Cet automne, aussi légèrement vêtu que possible, j’ai assisté deux fois à mon enterrement, tout d’abord en tant que conte Robilant ( - non, c’était mon fils, dans la mesure où je suis Carlo Alberto, ma nature foncière), mais j’étais moi-même Antonelli. Cher Monsieur le Professeur, vous devrez voir cet ouvrage ; vu que je suis complètement inexpérimenté dans les choses que je crée, c’est à vous qu’échoit toute critique, j’en suis reconnaissant, sans pouvoir promettre d’en tirer profit. Nous les artistes sommes inenseignables. – Aujourd’hui j’ai vu mon opérette – géniale-mauresque -, à cette occasion également constaté avec plaisir, qu’aujourd’hui Moscou tout comme Rome sont des choses grandioses.
Voyez-vous, pour le paysage également, on ne conteste pas mon talent.
- Réflechissez, faisons-nous un beau, bellissime, brin de causette, Turin n’est pas loin, aucune obligation professionnelle très sérieuse en vue, il faudrait se procurer un verre de Veltliner. Négligé de la tenue exigée.Avec ma plus sincère affection, votre
Nietzsche" (Nietzsche, Dernières lettres, Editions Manucius)
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